Ah les belles années de la viticulture valaisanne….. j’ai retrouvé deux documents officiels édités par l’Union des négociants en vins du Valais qui concernent les vendanges 1979 et 1981
Le degré Oechslé est passé au Brix
Anciennement c’était le degré Oechslé Oe qui était utilisé pour définir la teneur en sucre du moût mais actuellement c’est passé au Brix.
Le degré Oechslé par son échelle plus large était plus précis et plus facile à mémoriser. D’ailleurs dans le langage courant la plupart des vignerons parlent toujours couramment en Oechlé.

Un prix qui régresse et qui ne suit pas le coût de la vie
En 1981 le kilo de fendant livré au pressoir à 73° Ochslé était payé 4.37 frs et il n’y avait pas de limite de production. On entendait les vignerons parler de vaintefley o a don trinte po yeune…. c’est à dire une production de 25 à 30 brantées pour une mesure (kartaïne) de vigne.
A l’époque on parlait couramment en toise (3.8 m2) ou en mesure (380 m2 à Chamoson). La brantée est normalement de 45 kg donc la production pouvait être de 1125 à 1350 kg pour 380 m2 ce qui faisait 3 à 3.5 kg au m2. Les plants étaient appelés haute sélection et étaient poussés aux engrais et au fumier.
3 voir 4 kg au m2
C’est un peu plus tard, lorsque les cotas sont apparus et lorsque que quelques jeunes vignerons ont fait « Changins » que le rendement à la mesure a quasi été abandonné pour celui au m2.
Certains vignerons aimaient se vanter de leur production et ainsi pour aller livrer leur récolte mettaient des caissettes vides sous les caissettes remplies. Ainsi gonflé artificiellement le voyage paraissait plus volumineux pour aller au pressoir !
Par exemple un fendant pouvait donner un rendement brut de 3.5 x 4.37 = soit 15 frs le m2 !
Celui qui avait 10 à 15000 m2 ou plus de vigne à cette époque (ce n’était pas le cas de ma famille..) pouvait en quelques années financer sa villa et le chalet dans les mayens…. Ils sont nombreux les nostalgiques de cette époque dorée…
La villa et le chalet en quelques années….
Calcul du rendement au m2 Avant l’AOC il n’y avait pas de limite de production mais une base de 2.5 kg/m2 et de 2 kg/m2 pour les rouge semblent plausibles. La baisse du rendement en 40 ans est d’environ 50 % alors que les coûts de production ont augmentés…………
Prix de la vendange 1981


Ainsi par exemple un fendant de Chamoson pouvait être livré avec un sondage de 56 Oe (limite avant le déclassement) et était encore payé 3.52 le kilo et même 5.22 le kilo pour un sondage à 88 Oe !
La littérature vinicole nous dit que le taux final en alcool par rapport au Brix est aux alentours de 0.59. Ainsi pour le fendant cité ci-dessus 56 Oe = <14 Brix donnerait un liquide final à env. 8.26° d’alcool. Toutefois pour compenser ce manque d’alcool, le sucre était et est toujours utilisé mais dans une moindre mesure en cave.
Un fendant titre normalement un degré d’alcool autour des 12 à 12.5 ° Dans le cas précédent il y a 3.74° à combler, sachant que 16.83 gr de sucre augmente l’alcool de 1° par litre :
Différence à compenser : 12.5 – 8.26 = 4.24°
Quantité de sucre à compenser : 4.24 x 16.83 = 71 gr par kilo
1 kg de sucre augmente la quantité de liquide d’environ 0.6 l, le fabricant de vin était doublement gagnant, le prix du sucre étant largement au dessous du prix de la vendange et qui en plus augmente la quantité de x 0.6 !
Prix de la vendange 2022

Sur les coteaux valaisans ont voit de plus en plus de vignes abandonnées, en cause le rendement. Ces vignes demandent un travail bien plus conséquent parce que peu mécanisables. J’ai fait un calcul de mes heures et j’obtiens un gain d’environ 2 frs de l’heure sans compter l’amortissement des machines ! Ce n’est en tout cas pas l’amour du gain qui fait que je les exploite encore.
Bientôt le souvenir des vignes du coteau sera uniquement sur les cartes postales..
Les vignes en terrasses en danger
Régulièrement je vois des publicités je suis P, je suis R, avec images de vigneronnes ou vignerons posant fièrement dans leur vignes.
Pourtant en les regardant, cela me fait penser aux esclaves (que je suis aussi), travaillant de longues heures pour un salaire dérisoire comme décrit ci-dessus !
Les rendements AOC qui ont été fixés au départ avec un objectif qualitatifs sont fixés année par année selon les stocks. En 2023 par exemple les rendements ont été diminués avec la promesse d’augmenter le prix (à voir si les belles promesses rendent les fous joyeux) comme disait ma maman, mais ça on le saura seulement en mars !
Le travail du vigneron est fort risqué, le labeur de toute une année peut être réduit à néant en quelques minutes par la grêle, le gel, les maladies et j’en passe.
Pauvre vigneron qui doit livrer au jour près selon le bon vouloir du négociant une vendange impeccable sous peine de pénalité et je le répète pour un salaire dérisoire !
A titre d’exemple, un petit passage sur le site web d’un important négociant où la bouteille de pinot noir est vendue entre 22.9 et 49 frs. Avec le kilo de vendange égrappé payé 3.30 fr on doit arriver à faire une bouteille de 75 cl et ainsi la marge pour vinifier varie entre 593 et 1384 %.
Cette part n’est-elle pas énorme en comparaison des travaux et des risques pris par l’esclave vigneron ?
Une partie des vignes sont encore travaillées par les vignerons du samedi, c’est à dire des vignerons à temps partiel en activité accessoire.
Ces vignerons du samedi qui ont pour habitude de ne pas compter leurs heures et de prendre comme bonus net le maigre rapport de leur labeur deviennent de plus en plus rares.
Il fut un temps ou cette activité était rentable et apportait un complément appréciable au salaire, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Les vignes qui sont encore travaillées actuellement le sont pour la plupart par des saisonniers et on entend de moins en moins la langue locale sur nos coteaux….. Je ne connais pas le tarif offert à ces saisonniers mais j’espère qu’il est plus élevé que le mien !